La floraison de projets de villages de marques autour de Marseille déchaîne la polémique. Et réveille les vieilles rivalités entre centre et périphérie. Le dossier Plan-de-Campagne à peine refermé, c’est le retour de la grande distribution des coups bas. A l’heure du projet métropolitain, cette énième querelle entre Marseille et ses voisines laissera des... marques.
Querelles de clochers entre les villages. A l’heure de l’émergence du débat sur la création de grands pôles métropolitains, voilà une guéguerre qui renvoie Marseille et son aire urbaine à leurs vieux démons balkanisateurs. Le catalyseur de tout ce tintamarre ? Un projet de villages des marques à l’ordre du jour de la prochaine Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) ce 13 avril. Dévoilé par La Marseillaise, le dossier monté en toute discrétion par une foncière marseillaise - M.I.F. - drivée par un entrepreneur du cru, Frédéric Touati, est programmé sur l’une des dernières parcelles disponibles de la zone de la Valentine, dans les quartiers est de la cité phocéenne. Défendu par la municipalité qui voit en lui un moyen d’enrayer l’exode de la clientèle marseillaise vers les zones périphériques, le projet voit grand : près de 100 M€ d’investissement pour la création, dans une première phase, d’une zone de 26 750 m2 regroupant 125 boutiques où les marques de prêt-à-porter pourraient vendre leurs stocks d’invendus à prix cassés.
Dans les rangs de la Ville, c’est l’enthousiasme ! D’autant qu’un projet similaire, porté par un autre promoteur local (Groupement méditerranéen immobilier), avait capoté il y a trois ans. Solange Biaggi, adjointe déléguée au commerce? s’extasie à l’avance devant "cette locomotive" qui va "créer de l’emploi et de l’activité" en fournissant "une offre complémentaire aux commerces du centre ville". La précision n’a pas l’heur de convaincre les intéressés. Par la voix de son président, Laurent Carratu, l’association Terres de commerces dénonce "l'écran de fumée" qui entoure ce projet et ses concurrents annoncés dans le département. Dans une lettre ouverte adressée aux élus, M. Carratu rappelle que de tels projets "se doivent de respecter les équilibres commerciaux des centres urbains et la cohérence du schéma de développement territorial concerté".
Dans son combat du petit contre les gros, Terre de commerces peut compter sur le soutien de la CCIMP. Dans un communiqué publié le 1er avril, l’instance consulaire regrette elle aussi de ne pas avoir été consultée. La récrimination renvoie à la récente réforme de l’urbanisme commercial qui a exclu les CCI des CDAC, les commissions qui statuent sur les autorisations commerciales.
Du côté de la communauté urbaine, pourtant compétente en matière d’aménagement et de développement économique, c’est silence radio. La direction du développement économique de MPM n’aurait été avertie que le 31 mars, la veille de la parution de l’article dans La Marseillaise... Une mise à l’écart symptomatique du climat de confiance qui règne entre l’Epci et la ville centre. Dépossédée de la plupart de ses prérogatives fortes en matière de planification et de gestion de l’espace, cette dernière veille désormais jalousement sur les quelques leviers qui restent dans sa cabine de pilotage. Et parmi ceux-ci, il y a justement les projets commerciaux...
Pour les opérateurs spécialisés, cette guéguerre larvée est une bénédiction. Destination touristique numéro 1 en France, le quart sud-est a tout de l’Eldorado : aucun complexe de magasins d’usine n’étant répertorié au sud de Valence, les trois ténors du secteur, le Britannique McArthurGlen, le Français Concepts & Distribution (enseigne Marques Avenue) et le Franco-Néerlandais Unibail-Rodamco fourbissent leurs armes. Avec un argumentaire en or massif qui met les maires en transe : des dizaines de millions d’investissement, des centaines d’emploi et des retombées en cascade. A Troyes, capitale française du secteur qui regroupe trois villages des marques, ces dernières sont estimées à 250 M€ !
Dans cette course de vitesse, McArthurGlen a pris un temps d’avance, cet automne, en annonçant un projet de 20 000 m2 à Miramas. Pour un investissement voisin de son concurrent marseillais : entre 80 et 100 M€. Miramas ? Le choix de la cité du rail a de quoi surprendre. "Cela fait quatre ans que nous cherchions un site sur la façade méditerranéenne française. Miramas répondait à nos critères : il y a du foncier disponible et la ville est située au croisement des grands axes de circulation du quart sud-est", explique Michael Nataf, directeur du développement du groupe britannique.
Le français Concepts & Distribution n’est pas en reste. Leader du marché hexagonal, il rêve d’implanter son 10e "village" à l’enseigne Marques Avenue aux Pennes Mirabeau. Dans cette commune de la banlieue nord de Marseille, mais appartenant à l’agglomération aixoise, le groupe lorgne sur une bande de terrains de 14 ha qui jouxte l’autoroute A7. Avec la bénédiction de la municipalité. Evidemment...
William Allaire
SI 741 du 11/04/2011
Légende : Un village de McArthurGlen et la parcelle destinée à accueillir le village de la Valentine.
Destination touristique numéro en France, le quart sud est a tout de l’Eldorado : aucun complexe de magasins d’usine n’étant répertorié au sud de Valence, les trois ténors du secteur, le Britannique McArthurGlen, le Français Concepts & Distribution et le Franco-Néerlandais Unibail-Rodamco fourbissent leurs armes.