Les TGV qui assurent la liaison Paris-Bourg-Bellegarde-Genève ont délaissé Culoz et circulent sur la ligne du Haut-Bugey depuis le 12 décembre. La mise en service de la voie a mis fin à un chantier de quatre ans. Plutôt qu’une ligne rapide nouvelle au coût rédhibitoire, Réseau Ferré de France a opté pour la remise en service de l’axe Bourg-Bellegarde, partiellement désaffecté depuis 1990, et familièrement appelé “ligne des Carpates”, en raison de son profil montagneux. Il a fallu remettre en état, consolider, sécuriser 80 ouvrages d’art qui dataient de 1877, dont le viaduc de Cize-Bolozon, en surplomb de la rivière d’Ain. La plateforme des onze tunnels a été abaissée et leur voûte rescindée pour les adapter au gabarit des TGV à étage. Il a fallu également résorber les problèmes d’étanchéité et de drainage dans le milieu karstique traversé. 65 kilomètres de voie ont été renouvelés et électrifiés. Des filets de protection ont été posés dans le secteur de Nantua pour éviter la chute des rochers. Et deux équipements ont été construits : une gare à Nurieux-Volognat, qui desservira la vallée industrielle d’Oyonnax, et un pôle multimodal à Bellegarde, avec une rotonde bio-climatique et un nouveau viaduc en courbe. Plus courte de 47 kilomètres que la précédente, la nouvelle desserte permet de relier Genève à Paris en 3 heures et 5 minutes, à raison de neuf allers-retours par jour.
Ces travaux ont coûté 341 millions d’euros, gares comprises, soit sept à huit fois moins que le projet initial de ligne nouvelle ; ce qui, en temps de vaches maigres, tendrait à justifier l’option prise. Par ailleurs, la SNCF gagne des sillons fret sur la ligne Paris-Modane-Italie (où le TGV Paris-Annecy circule toujours). Selon le transporteur public, le temps de trajet entre Paris et Genève redevient attractif pour le train par rapport à l’avion. La cité lémanique conforte ainsi son lien avec la France et son autonomie de raccordement par rapport à la Suisse alémanique. La Plastics Vallée a quant à elle, désormais, son aller-retour quotidien vers Paris, et attend, déjà, un service identique en sens inverse. Enfin, le pôle de Bellegarde, devenu tête de pont du nord de la Haute-Savoie, du Bas-Bugey et de la Chautagne, apparaît comme le grand bénéficiaire de la liaison nouvelle.
Pour autant, il semble que les Suisses, eu égard aux promesses de la SNCF et aux 110 millions d’euros de leur contribution au financement de la ligne, espéraient mieux que le gain de temps actuel… de seulement 18 minutes (le TGV ne roule qu’entre 80 et 120 km/h, de Bourg à Genève). Quant aux opposants, ils trouvent la note salée pour si peu d’avantages. Et ce d’autant que la mise en service de la ligne du Haut-Bugey entraîne une série de modifications horaires des TER quand elle ne contribue pas à leur suppression tout court, au moins sur le plan ferroviaire (remplacement par des autocars). Voilà qui, faute d’engagements réalistes au départ des projets, risque de faire dérailler les débats relatifs aux infrastructures futures.
Laurent Guigon
Bref Rhône-Alpes n° 2018 du 05/01/2011
Photo : ©RFF – X. Chabert
Rame inaugurale de la ligne du Haut-Bugey, avec Thierry Mariani, Secrétaire d'Etat aux Transports, et Hubert du Mesnil, président de Réseau Ferré de France.