L’INP de Grenoble est dirigée par une femme singulière. Elle parle de relations humaines en évoquant sa passion de l’informatique, et veut changer un mode d’enseignement dont elle est pourtant l’archétype.
Dans la vie professionnelle de la patronne de l’Institut national polytechnique (INP) de Grenoble, il existe des mots clefs incontournables, comme mathématiques, informatique, enseignement, recherche ou concertation. Ils accompagnent depuis des décennies la vie d’une femme à la tête bien faite et dont l’un des défis majeurs semble être de parvenir à trouver un modèle d’apprentissage plus souple, plus intuitif et plus adapté aux cerveaux du XXIème siècle que celui dont elle est un archétype. “Je sais toujours m’asseoir sur une chaise, écouter, comprendre. J’ai été une bonne élève, récompensée par le système scolaire”, raconte-t-elle. “Ce type d’élèves ne représente plus que 30 % des jeunes aujourd’hui. Alors, comment transmettre des connaissances et des compétences à l’autre partie ?”, Brigitte Plateau ne cesse de s’interroger sur ce sujet comme sur d’autres.
Nourrie au sein d’une science informatique qui irrigue le monde d’incessantes applications, elle a mené des travaux de recherche sur l’évaluation des performances des systèmes numériques. Elle continue d’étudier les techniques de modélisation, la théorie des files d’attente, l’algorithmique distribuée ou encore les calculateurs parallèles pour leur programmation. Son fonctionnement mental s’apparente à une projection sans fin dans un processus de découverte et d’expérimentation. Il faut un début à tout.
En 1980, elle ouvre la porte du mythique CNRS, s’installe dans la section 8 consacrée à l’informatique et fait la découverte du fameux théorème de “la feuille blanche” basé sur un principe simple : plus on cherche et moins on trouve. “Quand on commence une carrière de chercheur, le plus difficile est de trouver son inspiration. J’ai eu deux premières années difficiles. Le plus ardu dans la recherche, c’est d’avoir des approches correctes.” Mais une fois lancée, la jeune informaticienne va imposer sa personnalité, ses méthodes d’encadrement et sa passion de la recherche.
Après, c’est une succession de défis relevés et de marches grimpées dans l’échelle des responsabilités. Brigitte Plateau semble disposer des qualités innées de ceux et celles qui fédèrent les énergies, attirent à eux des communautés d’idées. La rumeur court depuis déjà longtemps que cette universitaire serait aussi “une chef de bande”. La réputation remonterait à ses années de lycée et n’a cessé de s’amplifier depuis, avec des étapes fortes comme en 1999 et en 2006 où elle crée successivement, à Grenoble, le Laboratoire informatique et distribution puis le Laboratoire d’informatique de Grenoble qu’elle dirigera pendant quatre années. Depuis son entrée en 1974 à l’Ecole normale supérieure de Fontenay-aux-Roses, Brigitte Plateau a écrit une carrière qui l’a conduite à de multiples responsabilités universitaires. Quelques décennies plus tard, le C.V. qu’elle pourrait vous tendre en porterait la trace : administrateur général du groupe Grenoble INP, présidente d’Allistene, (Alliance de recherche dédiée aux sciences et technologies du numérique), présidente de l’AFDESRI (Association des femmes dirigeantes de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation), ex-directrice de l’Ensimag (Ecole nationale supérieure d’informatique et de mathématiques appliquées), Chevalier de la légion d’honneur, lauréate du prix de la Fondation d’entreprises EADS décerné par l’Académie des sciences.
Brigitte Plateau a une conscience claire de ses qualités intellectuelles et de son aptitude à manager. Mais au-delà des signes de reconnaissance sociale, elle garde ses synapses ouvertes dans le champ scientifique qu’elle a conquis. Elle en propose une vision proche de l’Humanisme de la Renaissance. “L’informatique, explique-t-elle, c’est voir comment cela transforme le monde. Et être au cœur de ce machin, c’est véritablement être au cœur d’une révolution sociale importante.” L’innovation, selon Brigitte Plateau, serait donc beaucoup plus qu’un principe de croissance économique ou de découverte technologique. “C’est d’abord porter un regard différent sur quelque chose. Ensuite, c’est le fait de rassembler les gens et les compétences pour la mettre en œuvre.” En 1985, elle achète un van alors qu’elle enseigne les mathématiques dans l’Etat américain du Maryland. Elle “fait la route”, raconte-t-elle, et commence à assouvir son goût pour les voyages. Elle avance ainsi d’année en année, de découvertes culturelles en défis technologiques, avec toujours l’ambition de réussir sa vie. “Oui, cela a un sens”, reconnaît-elle. “Nous avons une sorte de crédit de passage et nous devons faire le mieux possible.”
Vincent Riberolles
Photo : ©Grenoble INP / Christophe Levet.
Bref Rhône-Alpes n° 2182 du 27/11/2014
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