On entend souvent dire que la crise épargne les grands noms du luxe. Idée reçue ! Exemple lyonnais à l’appui : la maison Zilli, qui vient d’annoncer un projet de plan de sauvegarde de l’emploi concernant la suppression de 36 postes.
Zilli avait pleinement profité, depuis la chute du mur de Berlin, de l’émergence d’une clientèle richissime de l’ex-bloc soviétique, avide de ses vêtements haut de gamme, intégrant cuirs rares, fourrures et soie. Une caste de millionnaires capables de sortir d’une boutique avec plusieurs dizaines de milliers d’euros d’achats, à Moscou, Paris, Megève ou Courchevel. Mais depuis quelques mois, la situation économique de la Russie et de ses pays satellites est moins florissante : conflit avec l’Ukraine, prix du pétrole en chute libre, effondrement du rouble… “Depuis la rentrée 2014, la maison Zilli est confrontée à un recul de 40 % des ventes sur son marché de prédilection : les clients des pays de la CEI”, explique Alain Schimel, pdg fondateur de Zilli.
Or, cette zone représente la moitié du chiffre d’affaires de la société. Depuis les attentats de 2015, l’effet s’est accentué à Paris où le plus grand magasin Zilli (à lui seul 20 % du chiffre d’affaires de la maison) a vu ses ventes chuter en quelques mois. “Dans la capitale, de grands noms de la mode sont aussi concernés. L’hôtellerie également : quand certains palaces de la capitale sont occupés à 20 % durant des mois, c’est un vrai choc. Et personne ne sent d’amélioration prochaine”, affirme Alain Schimel. La clientèle de luxe consomme moins (tout est relatif…) et se tourne vers des destinations de shopping jugées plus sûres, comme Dubaï par exemple.
Trop longtemps porté par cette Russie flamboyante et dorée qui aura représenté jusqu’à sept clients sur dix et contribué à un volume d’affaires atteignant près de 100 millions d’euros en 2013, l’habilleur de la Douma a commencé à sentir le vent tourner il y a 18 mois. Depuis, la chute est vertigineuse. En 2015, la société affiche un chiffre d’affaires d’à peine 62 millions d’euros (- 14 %) pour des pertes de 4,9 millions d’euros.
Premières mesures d’économies d’urgence : la vente de quelques actifs immobiliers. Mais cela ne suffira pas. La famille Schimel vient de présenter au comité d’entreprise un plan de sauvegarde de l’emploi prévoyant 36 suppressions de postes. Sur les 340 salariés de l’entreprise (dont 180 en France), les ateliers de confection de Lyon-Vaise (81 personnes), désormais en surproduction, seront affectés. Et quatre parmi les douze boutiques détenues en propre (sur un réseau de 64 enseignes présentes dans 23 pays) devraient mettre la clé sous la porte, celles de Megève et Cannes étant sur la sellette.
D’autres décisions suivront. Un accord commercial a été signé avec le groupe Mercury qui devrait aider Zilli à redresser la barre à Moscou. Parallèlement, un contrat de licence pour la fabrication de lunettes (solaires et optiques) sera bientôt dévoilé avec un lunetier jurassien. Le travel retail est, lui, au cœur du redéploiement envisagé : ouverture d’une boutique à l’aéroport de Nice fin 2017 et, dès que possible, dans celui d’Abu-Dhabi. Enfin, il est temps de rattraper le retard pris en matière de e-commerce, avec la création d’un vrai site marchand qui devrait voir le jour l’an prochain.
Symbole du made in France, Zilli, qui a fêté l’an dernier son cinquantième anniversaire, est en pleine tempête. Un coup de tabac qui pourrait remettre en jeu son indépendance. Mais on n’en est pas là : selon Alain Schimel, aucune négociation n’est en cours à ce sujet.
Didier Durand
@didierldurand
Bref Rhône-Alpes Auvergne n° 2253 du 13/07/2016
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