En mars dernier, la nouvelle a éclaté dans le ciel phocéen (SI 819). Dominique Mouillot, présidente d’Onet technologies, représentante emblématique du management au féminin, et engagée dans de nombreuses responsabilités citoyennes, venait d’être licenciée avec mise à pied immédiate de la filiale nucléaire qu’elle avait développée avec un talent indiscutable. Aujourd’hui, elle apporte quelques précisions sur cet événement.
Votre licenciement a éclaté comme un coup de tonnerre dans la communauté entrepreneuriale. Vous êtes restée silencieuse. Qu’est-ce qui vous incite à parler aujourd’hui ?
J’ai été remerciée le 8 mars, le jour de la femme. Cela est symboliquement très fort… Quant à ma volonté de parler, elle résulte de l’existence de nombreuses rumeurs calomnieuses qui circulent à mon égard sur Marseille, où j’exerce des responsabilités citoyennes auprès des Conseillers du commerce extérieur de la France, mais aussi auprès de mes clients du nucléaire. Certains d’entre eux - pour ne pas dire les plus nombreux - m’ont alertée et se sont insurgés contre ces rumeurs colportées - souvent en tête à tête - par les nouveaux dirigeants du groupe Onet. Je veux faire taire les rumeurs.
Que vous reproche-t-on exactement ?
Il y a deux catégories de reproches : les uns sont factuels, les autres irrationnels. Je vais commencer par le factuel. Pour Onet technologies, l’année 2012 a été extrêmement difficile à la fois sur le plan financier et sur le plan technique. Nous avions deux gros chantiers de démantèlement prototype, difficiles à réaliser, et qui ont fait l’objet de réclamations. En outre, nous avons une filiale en Angleterre qui a connu de lourdes pertes. Bien sûr, on connaît la conjoncture économique internationale, et dans le monde du nucléaire, l’année 2012 a été plus particulièrement une année difficile. Nous avons été touchés et un certain nombre de projets ont été reportés.
Il a été question d’audits et de contrôles multiples. Etait-ce exceptionnel ?
Les audits réalisés par la direction spécialisée du groupe ont toujours existé dans l’ensemble des filiales. Mais, en 2012, en particulier au deuxième semestre, nos auditeurs se sont davantage attardés sur Onet technologies en raison des difficultés que nous avions avec cette filiale anglaise et sur ces deux très gros chantiers de 30 et 80 millions d'euros. Les dérapages financiers étaient liés à une exécution difficile résultant en partie d’écarts par rapport aux spécifications techniques du contrat initial.
Ces audits étaient donc logiques. Mais leur utilisation finale a été un peu détournée de leur fonction normale d’aide à la gestion d’une crise de croissance bien réelle. On ne peut vivre longtemps avec une croissance de 10 % par an sans un jour où l’autre rencontrer ce type de difficultés, voire commettre des erreurs. Mais l’utilisation qui en a été faite me laisse circonspecte.
Le choix de la mise à pieds vous semble-t-il explicable ?
Ce choix ne me semble ni explicable ni normal, surtout dans un groupe à culture familiale très forte, toujours relayée par le président historique - sur le départ à la retraite - qui n’a jamais utilisé ces méthodes. Ce sont des pratiques liées à la nouvelle gouvernance. Je crois que lorsqu’on est mandataire social, on est toujours assis sur un siège éjectable. Mais les choses peuvent être faites correctement. Dans mon cas, je pense que la méthode a été très brutale et très excessive.
Vous avez parlé d’irrationalité…
Aussi bien par sa croissance que par ses métiers, Onet technologies joue dans la cour des grands. L’entreprise constitue une vitrine technologique pour le groupe, très encouragée par le président historique. Cette visibilité a suscité des jalousies. Elles ont été renforcées par la notoriété que j’avais acquise grâce à des engagements citoyens ou à des implications annexes dans l’industrie nucléaire, qui avaient pour seul objet de créer des synergies avec Onet technologies et de donner une image très forte de l’ensemble du groupe. Tous ces éléments ont suscité de l’hostilité auprès du top management qui gérait d’autres métiers à valeur ajoutée moindre en terme d’image. Je pense que ces ressentiments ont pris beaucoup d’importance lorsque nous avons rencontré des difficultés, et ils ont largement dépassé le seuil du raisonnable.
Y-a-t-il une vie après Onet technologies ?
Bien sûr. Je continue mes différents mandats, et je viens d’être élue administrateur national des Conseillers du commerce extérieur en charge du pôle "féminisation" requis par la ministre Nicole Bricq. Mes consœurs de Femmes du nucléaire, à l’échelle mondiale, m’ont maintenu leur confiance et j’ai conservé la totalité de mes mandats de présidente de Win Europe et de Win France et vice-présidente monde. En outre, je prépare des projets professionnels dont j’espère pouvoir vous parler d’ici quelque temps.
Jacques Gelin
Sud Infos n° 827 du 03/06/2013