Pour la première fois, le cabinet EY a interrogé, à la demande du Clust’R Numérique, 117 entreprises de la filière numérique en Auvergne et Rhône-Alpes. Avec plus de 2 000 établissements et 60 000 emplois qualifiés, le numérique est un poids lourd dans la région. Pourtant, cet Observatoire fait apparaître des résultats contrastés.
Si, d’un côté, les entreprises du numérique sont plutôt optimistes - elles sont 65 % à prévoir une augmentation de leur chiffre d’affaires et 72 % à vouloir recruter en 2016 - l’observatoire révèle quelques faiblesses. Notamment du point de vue de l’emploi. Car même si, entre 2010 et 2014, il a progressé de 9 % dans notre région (+ 2,7 % en Ile-de-France avec 263 314 emplois !), une entreprise sur deux éprouve des difficultés à recruter. Ainsi, 45 % déclarent avoir des postes non pourvus. Et parmi ces derniers, 57 % sont destinés à des développeurs informatiques.
Des profils extrêmement recherchés mais rares : “Lorsque j’ai été diplômé de l’Insa en 1984, nous étions 123 ingénieurs informatiques dans la promotion. Cette année, il y en a 119 alors que les besoins ont littéralement explosé ! Il faudrait que les écoles d’ingénieurs puissent au moins doubler les effectifs”, alerte Jean-Michel Bérard, fondateur de l’éditeur de logiciels Esker et président du Clust’R Numérique. Eric Angelier, cofondateur d’Everwin (logiciels de gestion), tire également la sonnette d’alarme : “Il y a un numerus clausus dans les écoles d’ingénieur françaises alors que, l’Inde, elle, forme des milliers de développeurs informatiques”.
Si Thierry Alvergnat, directeur général du Clust’R Numérique, salue les initiatives privées comme Simplon et L’Ecole LDLC, il précise tout de même que “72 % des créations de postes concernent des profils Bac +4/5, contre 28 % de Bac +2/3”. Et d’ajouter que “70 % des étudiants formés en Rhône-Alpes n’y restent pas”.
Le message fait écho au projet porté par Laurent Wauquiez de campus numérique en lieu et place de l’ancien Hôtel de Région à Charbonnières : “L’idée est d’en faire un lieu dédié aux métiers du numérique, avec des formations initiales et continues, et des services aux entreprises. Nous voulons en faire un endroit pour tester des formations innovantes, car les métiers du numérique évoluent très rapidement”, avance Samy Kefi-Jérôme, président de la Commission numérique de la Région. Les études de faisabilité démarrent… mais rien ne devrait voir le jour avant 2018.
D’ici là, le nouvel exécutif régional et les structures d’aide à l’implantation (Aderly, AEPI, etc.) devront se pencher sur un autre point noir soulevé par l’Observatoire… l’attractivité de la région ! Car si, au niveau européen, le secteur du numérique est le premier en matière d’investissements directs étrangers (IDE), la dynamique n’est pas la même en Rhône-Alpes. Bien au contraire ! Si la région se classe au 6ème rang européen (tous secteurs confondus) en nombre de projets d’investissement étrangers, elle dégringole au 17ème rang en ne prenant en compte que les projets numériques, devancée par des villes telles que Helsinki, Stuttgart et Belfast… Les différents labels French Tech contribueront-t-ils à améliorer la visibilité d’Auvergne Rhône-Alpes sur l’échiquier mondial ? “Il manque une locomotive, reconnaît Jean-Michel Bérard. L’arrivée d’un GAFA (acronyme de Google, Apple, Facebook, Amazon, ndlr) pourrait jouer ce rôle”. Et si elle s’y trouvait déjà, nichée dans l’une de nos start-up régionales ?
Corinne Delisle
@corinnedelisle
Photo : ©Patrick Roy - Jean-Michel Bérard
Bref Rhône-Alpes Auvergne n° 2244 du 04/05/2016
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