Vingt ans après l’arrêt du centre d’entrainement d’astronautes du programme Hermès à Marseille, la Comex renoue avec les activités spatiales grâce à un nouveau programme européen d’habitacle mobile. A la recherche de nouveaux développements, l’entreprise multiplie les partenariats de R&D.
Fruit d’une intense activité pour trouver des sources de financement sur ses nombreux projets de R&D, la Comex (Compagnie maritime d’expertise) vient d’être retenue sur le programme européen Shee "Self Deployable Habitat for Extreme Environments". Son avancée technologique dans l’hyperbare, ses travaux réalisés dans les années 90 sur le déplacement des astronautes dans l’espace comme son savoir-faire dans la robotique en milieu extrême ont été retenus pour développer, à côté de partenaires scientifiques européens, une structure habitable, fonctionnelle, mobile et déployable dans l’espace et utilisable également dans des environnements extrêmes sur la Terre.
La société va investir 125 000 € dans ce programme de recherche subventionné par l’Europe sur trois ans. "Ce montage nous permet de continuer à faire de la R&D dans ces domaines de recherche extrêmement couteux et de revenir dans les activités spatiales dont les programmes repartent", annonce Michèle Fructus, qui dirige depuis 20 ans le groupe créée en 1961 par son père Henri-Germain Delauze, "un entrepreneur pour qui l’argent n’était pas une fin en soi mais un moyen de faire", aime-t-elle rappeler même si cette culture viscérale du risque a parfois été payée au prix fort.
Réduite aujourd’hui à son site marseillais et à un chiffre d’affaires de 3 à 4 millions d'euros, la Comex, pionnière de la plongée industrielle profonde pour l’industrie offshore avec sa filiale Comex services, cédée en 1992 sous la pression des banques, a essaimé derrière elle un nombre impressionnant d’entreprises. On y trouve parmi les plus importantes : Subsea Seven (ex-Comex services), Cybernetix racheté par Technip en 2012, ou encore Onet nucléaire (ex-Comex nucléaire). "Nous sommes 40 sur le papier mais bien plus avec tous nos partenaires", explique Michèle Fructus. L’entreprise toujours reconnue pour son expertise et les savoir-faire qu’elle a su conserver, a gardé des liens étroits avec des anciens de la Comex devenus clients ou fournisseurs et a noué de longue date avec le monde scientifique des relations de proximité.
Organisée aujourd’hui autour de deux départements, ingénierie et opérations marines, la société, fortement déficitaire en 2011, et encore en 2012 pour avoir supporté la même année le carénage de ses deux navires, cherche de nouveaux relais de développement. Les bateaux océanographiques de la division Opérations, le Minibex et le Janus, s’avèrent difficiles à rentabiliser. L’entreprise mise donc depuis quelques années sur sa division Ingénierie et investit massivement dans la R&D en multipliant les partenariats. "Notre trésorerie encore préservée et notre capacité à générer du cash-flow, seul indicateur financier qui vaille, nous permettent de le faire, sans quoi nous aurions disparu depuis longtemps", explique la dirigeante.
Plusieurs projets donneront des résultats concrets en 2013 parmi lesquels le ROV3D, une caméra en trois dimensions, développée avec le CNRS, pour filmer les fonds marins. Le programme Powermate, conduit avec EDF, le CNRS et Subsea Tech est entré dans sa phase opérationnelle avec la création de la filiale PowerSea chargée de commercialiser et d’installer ces nouveaux systèmes de connexion électrique sous-marins adaptés aux énergies renouvelables. L’entreprise est également entrée à 10 % dans le capital d’Abyssea, un futur centre d’essais en eaux profondes au large de l’Ile du Levant.
Enfin, une idée fait son chemin : remettre en route un centre d’entrainement pour spationautes en utilisant les fonds marins au large de Marseille pour simuler de futures missions spatiales. La réponse de la Commission européenne, devant qui la Comex a présenté avec ses partenaires ce projet baptisé Moonwalk, est attendue en 2013. Tournée vers l’avenir, Michèle Fructus imagine sa succession et la voudrait idéale : "Des partenaires qui perpétuent l’esprit d’entreprendre de Henri-Germain Delauze : un esprit fondé sur la culture du risque, la liberté de création et un corps d’élite passionné."
Anne-Cécile Ratcliffe
Photo : Le programme Moonwalk. Combinaison spatiale Gandolfi.
Sud Infos n° 819 du 25/03/2013