A 58 ans, ce Lyonnais que rien ne prédestinait à faire carrière dans la santé, a fondé Noalys, un groupe qui gère aujourd’hui cinq hôpitaux privés.
Comme cadre de travail, on aurait pu trouver pire. Oubliez le bureau de Pdg dans un immeuble dernière génération sans âme… C’est au cœur même de la maternité de Natecia, dans le 8ème arrondissement de Lyon, que Jean-Loup Durousset a installé son bureau. Avec 4 500 naissances par an (ce qui en fait la première maternité privée de Rhône-Alpes, ndlr), pas étonnant que les rendez-vous soient ponctués de pleurs de bébé : “Comment voulez-vous que je n’aime pas mon travail !”, s’émerveille encore le dirigeant, en croisant une jeune mère portant son nouveau-né.
Rien, dans le parcours de ce natif de la Croix-Rousse, ne le prédestinait à une carrière dans la santé. Quand vient le moment de choisir sa voie pour le lycée, c’est un établissement agricole, à Cibeins dans l’Ain, qu’il décide d’intégrer : “J’étais attiré par le milieu agricole et ce désir d’être autrement, de faire autre chose. Je garde des souvenirs incroyables de ces années d’internat où j’ai appris la traite des vaches, la taille de la vigne.” Après un DUT de gestion et Sciences-Po Lyon, il intègre la coopérative agricole Orlac (Yoplait) pour du contrôle de gestion. Il y restera trois ans avant de rejoindre Elf Aquitaine.
“Après cette expérience dans deux grands groupes, j’avais envie de découvrir autre chose… et j’étais attiré par les PME”. En 1985, à 27 ans à peine, il devient directeur d’un établissement de santé de 80 lits à Saint-Priest. “Les médecins qui détenaient l’établissement ont bien voulu me faire confiance”, se rappelle celui qui dit retrouver dans la santé “ce même esprit coopératif que dans l’agricole (avec l’actionnariat salarié)”. Il partage ses premières années de gestionnaire d’établissement avec le Pdg, un médecin partant à la retraite. “Je n’ai jamais prétendu connaître la médecine”, affirme-t-il sans aucun ressentiment dans la voix. Après dix ans dans cet établissement, il part à Saint-Etienne diriger la Polyclinique de Beaulieu. “L’équipe de médecins avait un objectif ambitieux : créer la plus grosse clinique privée de Saint-Etienne”.
Ce sera chose faite en 2005 avec l’inauguration de l’Hôpital Privé de la Loire issu du regroupement de trois cliniques : “Je retiens de ces années des souvenirs très forts de rencontres avec les habitants du quartier où nous avons construit le nouvel hôpital”, raconte Jean-Loup Durousset. “C’était dans un quartier difficile, poursuit-il. Nous avions démoli une barre de logements pour y construire le nouvel établissement. Lors d’une réunion, un habitant m’a interpellé en me demandant pourquoi j’avais applaudi lorsqu’on avait détruit son logement… Je n’avais pas vu les choses comme ça… (Silence). La santé, c’est avant tout de l’humain. A tous les niveaux”.
En quittant Saint-Etienne, il crée le groupe Noalys* qui gère aujourd’hui cinq établissements. L’homme se passionne tellement pour ce secteur qu’il enchaîne les missions : président de la Fédération de l’hospitalisation privée de Rhône-Alpes, puis deux mandats à la tête du national où il est le premier président non-médecin. “Il faut de l’engagement pour faire bouger les montagnes. Ça vaut le coup de se battre pour soi, mais c’est encore mieux de se battre pour les autres”, affirme celui qui s’inscrit dans un “syndicalisme constructif.” Et d’ajouter : “Le plaisir n’est pas de combattre pour combattre. Mais je suis quand même fier de ces dix années à la tête de la FHP qui ont permis au privé d’avoir des services d’urgence, de réanimation, et d’accueillir des internes…”
Et sur le clivage privé/public, son discours est comme l’homme : posé. “Le privé n’a pas intérêt à voir se dégrader l’hôpital public qui doit se renforcer dans ses domaines d’expertises, comme la recherche par exemple”.
C’est en Chine qu’il apporte aujourd’hui son expertise et son regard sur la santé : “C’est une grande fierté pour moi que d’être chef de service dans un hôpital public chinois.” Dans son bureau, une bannière rouge et jaune brodée en chinois côtoie une toile avec des pandas. “J’observe la naissance du système de sécurité sociale chinois. C’est passionnant !”, explique le “praticien de la gestion” qui s’y rend au moins une fois par mois. Natecia a même sa filiale chinoise pour y porter des projets de maternité : “Je rêve un jour d’avoir des projets aux quatre points cardinaux”, ambitionne le patron qui a des contacts en Russie, à Los Angeles, et au Bénin. Avec une fille étudiante en pédiatrie et une autre en école de commerce, la relève est peut-être assurée.
Corinne Delisle
@corinnedelisle
* Hôpital privé de l’Est lyonnais, Natecia, Centre Endo Nord-Isère, Clinique des Grandes Alpes et Centre de chirurgie ambulatoire des Hauts d’Avignon. Soit 50 millions d'euros de chiffre d'affaires avec 400 salariés et 255 praticiens.
Photo : ©Franck Dunouau.
Bref Rhône-Alpes n° 2202 du 13/05/2015
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