L’association Transocéans rêve de réhabiliter un mode de transport centenaire : le ballon dirigeable.
"J’ai refait tous les calculs. Ils confirment l’opinion des spécialistes : notre idée est irréalisable. Il ne nous reste plus qu’une chose à faire : la réaliser”. Cette phrase de Pierre-Georges Latécoère, un des pionniers de l’aéropostale, sert de slogan au projet de l’association Transocéans. Créée par l’industriel grenoblois Pierre Chabert et le designer parisien René Bouchara, celle-ci entend participer à la réhabilitation des dirigeables qui, après des décennies de mise en sommeil, suscitent à nouveau un certain intérêt.
Un zeppelin dans le ciel de New York, un autre explosant en atterrissant dans le New Jersey : ces images en noir et blanc ont fait le tour du monde. La première illustre l’âge d’or de ces machines imposantes (jusqu’à 237 m de longueur !) nées à l’aube du XXème siècle, utilisées comme bombardiers au cours de la Première Guerre mondiale, puis comme moyen de transport de personnes sur des lignes transatlantiques. La seconde, dramatique (36 morts), signa en 1937 la fin de l’exploitation des dirigeables, remplacés définitivement par les avions. Définitivement ? Pas sûr.
Après quelques timides tentatives (notamment en région parisienne pour des vols de loisir), le zeppelin pourrait bien ressortir des limbes de l’Histoire. C’est en tout cas le rêve de Pierre Chabert. Son entreprise, Airstar (Le Champ-près-Froges/Isère), a bâti son succès sur un autre type d’objets volants : les ballons éclairants, utilisés sur les chantiers nocturnes de travaux publics ou les plateaux de cinéma. La société fabrique aussi des petits dirigeables utilisés, par exemple, pour des missions photographiques.
Transocéans s’est lancé plusieurs défis. En septembre 2013, Pierre Chabert et Gérard Feldzer (commandant de bord d’avions de ligne) ont ainsi traversé la Manche dans un dirigeable fabriqué dans le Grésivaudan. Le deuxième pari consiste à battre le record du monde de vitesse (détenu par Steve Fossett avec 115 km/h). L’association boucle actuellement le budget de l’opération qu’elle présentera, début juin, aux milieux économiques régionaux. Puis ce sera le tour d’une traversée de la Méditerranée et, enfin, d’une transatlantique.
“On compte une cinquantaine de dirigeables dans le monde… et on en annonce 3 000 dans dix ans. Le dirigeable, c’est la brique manquante entre l’hélicoptère et le camion. Notre vision industrielle repose sur une propulsion électrique : des batteries fournissent l’énergie à deux moteurs entraînant des hélices. Elle porte sur de petits appareils destinés à la surveillance de chantiers, la construction de grues ou encore à de l’imagerie”, explique Alexis Sack, de Transocéans. Validations technologiques et économiques obligent, le débat sur le gaz utilisé pour gonfler les dirigeables reviendra sans doute sur le tapis. L’hydrogène, interdit mais beaucoup moins cher que l’hélium utilisé aujourd’hui, pourrait-il faire son retour ? Autant de questions décisives pour l’avenir d’une filière qui avait été intégrée dans la “Nouvelle France industrielle” d’Arnaud Montebourg alors ministre (notamment pour le transport de charges lourdes ou la surveillance du territoire…). Un programme recadré récemment par Emmanuel Macron.
Didier Durand
@didierldurand
Photo : ©Transocéans. Septembre 2013 : Pierre Chabert traverse la Manche en 2h20 sur un drôle de dirigeable.
Bref Rhône-Alpes n° 2202 du 13/05/2015
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