En 30 ans d’existence, Grenoble Ecole de Management (GEM) a su s’affirmer, à l’échelle nationale puis européenne, en affichant un certain nombre de valeurs. Son directeur, Loïck Roche, répond aux questions de Bref.
Comment définissez-vous le rôle de GEM ?
Loïck Roche : Par la mission qui nous est confiée par la CCI de Grenoble à laquelle nous appartenons : accompagner la performance des entreprises de notre territoire. Nous les servons par nos formations et nos activités de recherche. Nous servons également notre territoire par la création d’entreprises (par notre incubateur) et la création d’emplois. Notre positionnement est en alignement avec notre écosystème : le management technologique de l’innovation et l’entrepreneuriat. Nous avons développé une vision : être une des business schools les plus influentes. Notre stratégie est de devenir une “school for business for society”. Nous voulons en effet contribuer à améliorer le bien-être de la société et cela passe par notre capacité à répondre au plus près aux besoins actuels et à venir des entreprises.
Qu’entendez-vous par là ?
L. R. : Une des demandes des entreprises est de recruter des étudiants qui pensent autrement. Répondre à cette demande, c’est recruter des étudiants issus d’horizons très différents. Des étudiants qui viennent des classes prépa, de l’Université, des élèves issus de quartiers sensibles, des sportifs de haut niveau, des personnes handicapées, ou des jeunes qui, pas nécessairement à l’aise sur les bancs de l’école, montrent des capacités d’innovation et d’entrepreneuriat remarquables. Autre action : nous proposons d’apprendre à déstructurer les savoirs acquis. Nous devons former des étudiants qui devront résoudre, dans leur vie active, des problèmes qu’on ne connaît pas encore. Il faut donc développer leur capacité critique. Par ailleurs, les étudiants apprennent désormais par connexion. En présentiel ou à distance, en France, à l’étranger, avec les professionnels, les enseignants, d’autres étudiants d’autres disciplines, mais aussi avec les technologies. Tout autant, nos étudiants doivent développer une compréhension du monde, d’où nos enseignements en philosophie, géopolitique et géo-économie.
Les profs peuvent-ils être les moteurs d’une pédagogie qui remet en cause leur position dominante ?
L. R. : Il peut exister des freins (psychologiques, culturels, générationnels). Les enseignants peuvent vivre ces situations nouvelles de façon inconfortable. Avec les nouvelles technologies, les étudiants ont accès à toutes les données auxquelles ils se réfèrent avant, pendant et après le cours. L’apport de l’enseignant n’est plus dans la diffusion de connaissances mais dans ses capacités à faire en sorte que les étudiants puissent, une fois les savoirs acquis, s’en abstraire, pour penser plus loin.
Que pensez-vous du projet de changement de statut des grandes écoles de commerce, qui passerait par la création de sociétés de droit privé dont le capital serait ouvert aux entreprises, les CCI conservant la majorité ?
L. R. : Ce projet, porté par la CCI de Paris, a le soutien plein et entier de la CCI de Grenoble et de son président Jean Vaylet. Nous devons, plus encore qu’aujourd’hui, pouvoir diriger nos écoles comme des entreprises. Ce projet est important.
Le paysage français des écoles de commerce a été marqué, récemment, par des fusions entre établissements. Ce mouvement est-il inéluctable ?
L. R. : Les fusions concernent assez peu d’écoles. Sur les 32 écoles que regroupe le Chapitre des écoles de management - que je préside - seules quelques-unes sont concernées. Si on voit des choses prometteuses (Skema à Lille, le rapprochement d’EMLyon avec l’Ecole Centrale, d’Audencia avec Centrale Nantes), d’autres nous laissent plus perplexes. L’exemple de France Business School, en difficulté, doit être médité. D’une façon générale, les mouvements observés en France sont plus proches, me semble-t-il, d’absorptions que de fusions. Ce n’est pas la même chose. Demandez aux territoires !
Faut-il pour autant rester isolé ?
L. R. : GEM a toujours développé une stratégie d’alliances. Nous sommes la business school du Campus d’innovation Giant. Nous sommes membre associé de Mines Télécoms. Nous avons des partenariats avec des centres de recherche, des entreprises - partenariats concrétisés par des chaires de recherche -… Surtout, GEM fera partie de la COMUE Grenoble Alpes.
Peut-on envisager un rapprochement entre EMLyon et Grenoble EM ?
L. R. : J’ai initié et reçu un accueil enthousiaste de l’ensemble des directeurs des écoles de management et des IAE de Rhône-Alpes pour regarder les projets qu’il pourrait être intéressant de mener ensemble. Une première réunion se déroulera chez nos amis de l’IAE de Grenoble d’ici quelques semaines.
Propos recueillis par Didier Durand
La CCI met les locaux à disposition (soit un équivalent loyer d’environ 2,5 millions d'euros) et apporte 900 000 €. Les 48,5 millions d'euros restants se répartissent ainsi : 50 % sont générés par les frais de scolarité et 50 % par les entreprises, à travers la taxe d’apprentissage, les frais de formation continue, les chaires de recherche. GEM compte 400 collaborateurs dont 120 professeurs. 4 500 étudiants en formation initiale et 2 500 en formation continue.
Photo : ©Agence Prisme-Pierre Jayet.
Bref Rhône-Alpes n° 2170 du 03/09/2014
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