L’économiste Nicolas Bouzou, dirigeant de la société d’analyse économique Asterès et adepte de Schumpeter et de sa théorie de l’innovation, est l’invité de l’European american chamber of commerce (EACC) pour une conférence à Grenoble sur la croissance économique*.
Le capitalisme est-il à bout de souffle ?
Nicolas Bouzou : Pas du tout. Je pense que la croissance est infinie… à condition que nous parvenions à changer de modèle économique. La croissance passe d’un secteur à l’autre. Si le secteur automobile n’est plus en croissance dans certains pays riches, de nouveaux domaines sont très dynamiques comme la santé, la culture, les services… Il y aura toujours des besoins humains nouveaux à assouvir : l’homme veut toujours aller vers le “mieux”.
L’idée de décroissance est-elle une ineptie ?
N. B. : Les promoteurs de la décroissance se trompent. D’abord, personne n’acceptera d’abaisser son niveau de vie volontairement. Ensuite, les problèmes écologiques seront résolus par l’innovation technologique qui doit permettre de moins polluer et d’opérer une transition énergétique vers des énergies renouvelables. La crise climatique va ainsi donner naissance à une nouvelle croissance, plus respectueuse de l’environnement.
Vous allez jusqu’à dire qu’une période d’hyper-croissance va s’ouvrir. C’est un fantasme ?
N. B. : A moyen terme, non. Nous sommes entrés dans une ère très innovante : nanotechnologies, biotechs, digital, robotique, intelligence artificielle, e-santé etc. C’est une phase de transition qui peut détruire des emplois dans certains secteurs, dans certaines zones géographiques, mais globalement, elle en créera bien davantage. A nous de savoir nous positionner. Les territoires qui profiteront de cette nouvelle croissance seront ceux qui sauront attirer les entreprises, les jeunes, les étudiants, les artistes, les innovateurs…
Dans les pays riches, les classes moyennes seraient appelées à disparaître, dites-vous…
N. B. : Dans cette phase de mutation économique accélérée, on voit se renforcer deux catégories sociales : ceux qui peuvent profiter des nouvelles opportunités et qui s’enrichissent, et ceux qui décrochent. L’enjeu, pour les pouvoirs publics, est donc de relancer l’ascenseur social.
Vous établissez une relation entre croissance et bonheur ! Mais le bonheur repose aussi sur des valeurs non marchandes (amour, amitié…) !
N. B. : J’ajouterai la liberté. Ce n’est pas l’argent en soi qui contribue au bonheur, mais ce qu’il permet de faire, y compris échanger, se cultiver… La morosité ambiante, en France, trouve sa cause dans le manque de croissance. Les gens s’observent, se comparent aux autres. Et on observe une montée des jalousies.
Propos recueillis par Didier Durand.
@didierldurand
* Inscriptions : contactlyon@eaccfrance.eu
Photo : Nicolas Bouzou, dirigeant d'Asterès.
Bref Rhône-Alpes Auvergne n° 2231 du 27/01/2016
Pour en savoir plus sur Bref Rhône-Alpes et ses autres supports.