Boris Lechevalier, dirigeant associé d’Altios.
DD
La 8e édition de l’Altios International Club s’est tenue ce mardi, en partenariat avec le groupe Crédit Agricole, au siège du Crédit Agricole Centre-Est. À cette occasion, Boris Lechevalier, dirigeant associé d’Altios (1), nous a livré son sentiment concernant les effets de la conjoncture sur la stratégie des PME à l’international.
Bref Eco : Comment les PME, que vous conseillez dans leur développement à l’international, se sont-elles comportées depuis le mois de mars, l’entrée en confinement et le blocage de l’économie mondiale ?
Boris Lechevalier : De mars à mi-mai, ça a été un long stand-by sur tous les projets à l’international. Puis nous avons connu un très gros rebond entre mai et juillet : sur cette période, Altios a signé 17 mandats de recherche de cibles et mandats d'achat à l'international, contre 5 l’année précédente !
Bref Eco: Comment expliquer un tel rebond ?
Boris Lechevalier : Compte tenu de la crise que traversent de nombreux pays, et donc de nombreuses entreprises dans ces pays, les dirigeants anticipent des possibilités de partenariats commerciaux et une ouverture à des discussions liées à des rapprochements capitalistiques. On nous demande donc de rechercher des cibles pour des prises de participation et des opérations de croissance externe à l’étranger, en particulier en Europe et en Amérique du Nord.
Bref Eco : C’est le côté « prédateur » des entreprises les plus solides qui vont profiter de la situation pour racheter les plus faibles ?
Boris Lechevalier : Non, pas seulement. C’est aussi qu’en cette période difficile pour tout le monde, les dirigeants sont plus ouverts à des rapprochements ; ils se disent que la survie et l’avenir de leur entreprise passent par là. Une entreprise en difficulté ou dans l’inconfort va chercher des alliés avec lesquels elle pourra développer des synergies. Dans ce cas, l’acheteur n’est pas perçu comme un prédateur mais, au contraire, comme un allié. Du coup, les opportunités de croissance externe se sont multipliées. Comme le dit la langue chinoise, une crise est aussi une opportunité.
Bref Eco : Comment voyez-vous la suite ?
Boris Lechevalier : On commençait à reprendre confiance, en août… mais la Covid repart à la hausse. Face à une situation très incertaine, les dirigeants risquent à nouveau d'appuyer sur le frein alors que l'international n'est pas une variable d'ajustement, la preuve venant de ces entreprises exposées à l'international et qui résistent mieux que les autres. Cet attentisme est le plus grand danger pour l’économie. Aujourd’hui, on estime que 13 % des ETI, selon un rapport du METI, ont suspendu leurs projets à l’international. Les autres maintiennent le rythme voire même accélèrent (plus de 60 %).
Certes, les règles ont changé : on parle désormais d’ « export distanciel » qui impose d’autres façons de gérer des filiales ou des usines à distance, sans être physiquement sur place, notamment grâce aux outils digitaux (web conférence…). De même, des acteurs comme Altios peuvent aussi apporter un soutien aux entreprises avec leur présence locale dans de nombreux pays. À ce titre, comme les déplacements sont compliqués voire impossibles, nous proposons des services adaptés à ce contexte (collaborateur dédié mis à disposition, diagnostic 360 de filiales, recrutement…).
Bref Eco : Les PME doivent-elles toujours s’intéresser à l’international ?
Boris Lechevalier : La question ne se pose pas de cette manière. Certes, il n’est peut-être pas idéal de pousser les primo-exportateurs (les entreprises qui s’internationalisent pour la première fois, N.D.L.R.) de se lancer maintenant. Pour les autres, encore une fois, ça peut être un moment d’opportunité, notamment via des croissances externes. C’est clairement le cas dans des pays comme l’Allemagne ou l’Italie dont la démographie des entreprises n’est pas favorable : beaucoup d’entreprises vieillissent et ne seront sans doute pas reprises par la génération montante, c'est un phénomène connu qu'il convient de prendre en considération. D’ailleurs, nous observons pas mal d’entreprises clientes françaises dont la stratégie se recentre sur les pays européens.
Bref Eco : Le Brexit a poussé beaucoup d’expatriés londoniens à revenir en France. Et ailleurs, comment les « expats » vivent-ils la crise économique de la Covid ?
Boris Lechevalier : Clairement, on observe un retour au pays d’une partie des « expats ». Ces personnes ont un parcours international et un sens de l’entrepreneuriat poussés, sont bien formées et dotées de compétences recherchées dans nos entreprises ; elles ont des revenus élevés et cette créativité qui caractérise notre beau pays. Elles finissent par se rendre compte que la vie en France a beaucoup d’avantages : l’accès à la santé et aux soins largement pris en charge par la collectivité, un très bon niveau de formation pour les enfants et les jeunes, un pays plus innovant qu’on ne le croit, sans parler du climat et des conditions de vie en général. Beaucoup d’entre-eux s’intéressent clairement à la création de leur propre entreprise. D’autres souhaitent rejoindre des entreprises dynamiques pour apporter leur expérience de l’international. C’est plutôt une bonne nouvelle pour le pays.
(1) Altios International : 350 personnes présentes dans 22 filiales et 22 pays ; CA 2019 : 30 M€ (prév. 2020 : entre - 5 % et + 5%).