Thierry Gardon : "Sur les quinze premiers jours d’avril, nous avons enregistré huit déclarations de cessation de paiements contre une cinquantaine habituellement !"
Alors que le début de la crise sanitaire s’était traduit par un afflux massif de demandes de mandats ad hoc au tribunal de commerce, la mise en place du Prêt Garanti par l’État a totalement changé la donne. Les explications de Thierry Gardon, président du Tribunal de commerce de Lyon.
Bref Eco : Fin mars, vous indiquiez que le tribunal de commerce était submergé de procédures préventives et vous précisiez que de nombreuses demandes de procédures collectives allaient voir le jour rapidement ? Qu’en-est-il aujourd’hui ?
Thierry Gardon : Non seulement la vague n’a pas eu lieu mais on assiste en outre à un reflux des procédures préventives et des procédures collectives. Sur les quinze premiers jours d’avril, nous avons enregistré huit déclarations de cessation de paiements contre une cinquantaine habituellement !
Même les entreprises qui étaient en difficulté avant la crise ne nous sollicitent pas
Bref Eco : Comment l’expliquer ?
Thierry Gardon : Avec l’annonce le 25 mars du Prêt Garanti par l’État, on a assisté à un certain attentisme de la part des entreprises. Puis elles sont allées rencontrer leurs banques et visiblement, une grande partie d’entre elles ont eu accès au PGE puisque, depuis ce moment, les procédures sont en chute libre au tribunal. Cela pose question. En effet, le faible niveau de demandes que nous enregistrons montre que même les entreprises qui étaient en difficulté avant la crise ne nous sollicitent pas. Or il n’y a pas de raison, même avec un prêt, pour que ces entreprises-là s’en sortent mieux après la crise. Lorsqu’elles auront consommé ce cash, nous les verrons arriver. A un moment, il faudra rembourser le prêt tout en finançant le BFR et ce sera compliqué !
Bref Eco : On parle maintenant d’une annulation des charges pour certaines entreprises.
Thierry Gardon : Si c’est effectivement le cas, cela changera beaucoup de choses en effet.
Bref Eco : Peut-on dire que les conditions favorables d’obtention du PGE génèrent un effet d’aubaine massif ?
Thierry Gardon : Qui pourrait refuser un prêt équivalent à 25 % du chiffre d’affaires annuel avec un taux ridicule et un remboursement différé d’un an ? Cela a deux effets regrettables : accorder des prêts à des entreprises en difficulté structurelle et permettre à certains entrepreneurs de se remonter des dividendes. Et tout cela représente beaucoup d’argent injecté dans le système !
Les banques sont plutôt souples
Bref Eco : Certains observateurs, à l’image d’Emmanuel Squinabol, du cabinet de conseil financier Advance Capital, estiment que les banques ne prêtent qu’aux entreprises capables de rembourser…
Thierry Gardon : C’est son ressenti. Personnellement, j’ai au contraire l’impression que les banques sont plutôt souples. Le point positif, c’est que les mesures sont vraiment pertinentes pour les entreprises réellement impactées par la crise.
Bref Eco : La chute de l’activité concernant les entreprises en difficulté vous permet-elle de reprendre l’examen du contentieux général ?
Thierry Gardon : Nous sommes en effet en train de nous organiser avec le greffe et le barreau pour redémarrer cette activité. Les ordonnances nous permettant d’utiliser la visioconférence, nous allons utiliser un outil mis en place par les greffiers qui s’appelle Tixeo et qui est entièrement sécurisé. Nous allons donc commencer à écouler le stock des affaires. Dans la réalité, c’est tout de même très compliqué car nos 69 juges sont eux-mêmes bien occupés par les difficultés de leurs propres entreprises.