Esker fête son trentième anniversaire. Une célébration, en forme de consécration, qui ne doit pas faire oublier le chemin emprunté par cette start-up des années 80.
Après Cegid l’an dernier, c’est au tour d’Esker, autre success story du numérique rhônalpin, de fêter son trentième anniversaire. A l’occasion, le 21ème éditeur français (et 3ème rhônalpin*) de logiciels pour les entreprises sponsorise la Biennale d’Art Contemporain de Lyon qui vient d’ouvrir sur le thème de “La vie moderne”. Une célébration, en forme de consécration, qui ne doit pas faire oublier le chemin souvent chaotique emprunté par cette start-up des années 80 : l’histoire d’Esker est faite de hauts et de bas, d’accélérations phénoménales et de coups de freins subits. Ce qui n’enlève rien au caractère exemplaire de son parcours.
Jean-Michel Bérard et Benoît Borrits (lequel quittera la société en 1999) n’ont pas créé Esker dans leur garage… mais c’est tout comme. A peine reçu leur diplôme d’ingénieurs Insa, ils se lancent avec l’énergie de leur jeunesse et leurs petites économies… de quoi acheter un ordinateur et une imprimante. Les cinq premières années seront difficiles. “Nous nous sommes formés sur le tas à la comptabilité, à la gestion et au commercial, nous qui n’avions jamais vu un client, qui ne connaissions que la programmation, la technique. Il a fallu acquérir tout ce qu’on n’avait pas appris à l’école. Ça a été une période de vaches maigres. Nous ne nous sommes pas toujours payés. Nos activités étaient purement alimentaires : du consulting, un peu de formation… Et les problèmes de trésorerie permanents”. Mais en 1989, grâce à un logiciel maison génial, c’est le décollage. Presque vertical : de quelques personnes alors, les effectifs d’Esker s’afficheront à 140 salariés lors de son introduction en Bourse, en 1997.
Au cours de cette décennie, l’implantation d’Esker aux Etats-Unis, aujourd’hui son premier marché, demandera elle aussi des années d’essais et erreurs. Et puis arrive l’an 2000. Au moment même où Jean-Michel Bérard reçoit le Prix Ernst & Young de l’Entrepreneur de l’Année, le marché s’effondre de 30 % ! Le cours de bourse passe de 80 euros à 2 euros. Et les produits d’Esker ont vieilli. Indispensable, le repositionnement sera radical. “Dans l’urgence, il a fallu réduire la voilure aux Etats-Unis et revoir tous les produits. Avec la sortie d’un serveur de fax, nous allons faire nos premiers pas vers la dématérialisation des documents dans l’entreprise”. A nouveau, la vague est porteuse. Puis, dans la même veine, Esker prendra en charge les envois de courrier des entreprises en construisant ses propres usines de traitement (impression, mise sous pli, envoi) : elles sont aujourd’hui sept dans le monde.
Inspirée par la personnalité de son dirigeant, la culture Esker s’est aussi affirmée par l’expérience. L’écoute des clients, clé de la réussite (plusieurs virages majeurs ont été déclenchés “grâce à eux”), a débouché sur une politique d’innovation ouverte et agile. Finies les places fortes de la R&D : aujourd’hui, tout le monde peut contribuer à l’innovation, dans une entreprise internationale et décloisonnée.
Elu l’an dernier président du Clust’R Numérique, Jean-Michel Bérard reconnaît que le parcours d’Esker doit aussi beaucoup à la région Rhône-Alpes, ses écoles d’ingénieurs, de management, son cadre de vie et son attractivité. Le territoire a, lui aussi, fait la différence.
Didier Durand
@didierldurand
*Source : Truffle 100 France 2015. Chiffre d'affaires 2014 : 46,1 millions d'euros ; 320 salariés (dont 150 en région lyonnaise) ; résultat net : 4,65 millions d'euros ; 65 % du chiffre d'affaires réalisés hors de France (40 % du chiffre d'affaires aux Etats-Unis).
Photo : ©Stéphane Audras / REA. Jean-Michel Bérard, fondateur d'Esker.
Bref Rhône-Alpes n° 2215 du 23/09/2015
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