C’est à Sydney, où il était en poste chez Pechiney, que Gaëtan de Sainte Marie eut sa première idée de service collaboratif qui proposait aux entreprises de partager leurs capacités informatiques. De retour en France en 2001, convaincu de l’avenir des services mutualisés, il crée PME Centrale, une centrale d’achats qui démarre avec quatre entreprises du BTP. Quinze ans plus tard, elle compte 4 500 PME adhérentes représentant 68 000 salariés. Elle a référencé 200 fournisseurs et génère chaque année 75 millions d’euros de volume d’achats. De taille encore modeste (22 salariés et 2,5 millions d'euros de chiffre d'affaires), la société vient d’ouvrir un bureau à Nantes, en installera bientôt un à Paris et annonce un développement en Allemagne dès 2017.
“L’économie collaborative est à la fois ancienne et très moderne”, explique son dirigeant Gaëtan de Sainte Marie. “Les coopératives agricoles en sont de bons exemples. Mais elles ont longtemps été confinées au local. Internet et le numérique ont fait exploser ces limites. Nous avons été les premiers à proposer une centrale de référencement pour les achats non stratégiques des PME”. Les commandes passées collectivement, grâce à PME Centrale, concernent ainsi des consommables, des véhicules, de la téléphonie, du gaz, de la location de matériels, de l’interim, des outillages, des vêtements de travail, etc. Des produits et services négociés en moyenne à 73 % de leur prix, soit une économie qui rembourse très largement le coût de l’adhésion. Mais le système est plus qu’une recherche de bons fournisseurs, de conditions d’achats avantageuses obtenues grâce à des commandes groupées. Car il débouche sur l’animation d’un véritable réseau d’entreprises (acheteurs et fournisseurs) dont les relations reposent sur des valeurs communes : ouverture, partage d’expérience, formation… Les adhérents s’impliquent au sein de la gouvernance à travers des comités de pilotage, commissions achats durables et autres clubs QSE (qualité, sécurité, environnement…).
Le “chacun pour soi” laisserait-il donc la place aux profits réalisés grâce aux autres ? “Tout dirigeant doit se poser la question du développement de son entreprise de façon collaborative. C’est probablement la meilleure façon de ne pas se faire doubler par un nouveau concurrent ou par une innovation qu’on n’aurait pas vu venir”, insiste Gaëtan de Sainte Marie. Dans un livre récent*, l’ancien président du CJD de Lyon multiplie les exemples d’alliances gagnantes. C’est Monsieur Store dont le réseau d’indépendants a pu s’offrir une image nationale, communication inimaginable pour une PME isolée. C’est le groupement ERB (Entreprises de Roman-Bourg-de-Péage) qui est à l’origine de la création d’une crèche inter-entreprises et multiplie les services communs (location de salles, plateaux repas, lavage de flottes automobiles…). AinGIL, un groupement d’industriels bressans, a quant à lui convaincu Renault Trucks de lui passer des commandes jusqu’alors réservées à des concurrents plus gros.
Cette force de l’entraide, quand elle s’adresse aux consommateurs, débouche sur la multiplication des BlaBlaCar, Airbnb ou Le Bon Coin. Et “invite la société à penser autrement son rapport au travail, à l’argent, à la propriété ou encore au temps”, avec des marqueurs forts : la confiance, l’échange et le partage. Et Gaëtan de Sainte Marie de citer le philosophe Michel Serres : “Ce n’est pas une crise mais un changement de monde auquel nous assistons”.
Didier Durand
@didierldurand
*Gaëtan de Sainte Marie et Antoine Pivot : “Ensemble, on va plus loin”, Ed. Alisio, 2016, 290 pages.
Bref Rhône-Alpes Auvergne n° 2233 du 10/02/2016
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