La start-up lyonnaise Kallistem annonce avoir réalisé une première mondiale avec la reproduction de spermatozoïdes humains in vitro.
En mai dernier, la communauté scientifique mondiale avait les yeux rivés sur Lyon. La raison ? “Une première mondiale” annoncée par la start-up lyonnaise Kallistem dont les chercheurs, issus de l’Institut de génomique fonctionnelle de Lyon*, affirmaient être parvenus à reproduire des “spermatozoïdes humains complets in vitro”. Un sujet sur lequel planche pourtant “plusieurs équipes de recherche dans le monde depuis plus de quinze ans”. L’enjeu est énorme. On parle tout simplement de traiter l’infertilité masculine ! “En cinquante ans, on a observé une baisse de 50 % du nombre de spermatozoïdes”, expliquent Philippe Durand et Marie-Hélène Perraud, cofondateurs de Kallistem.
Quatre mois après son “buzz” pendant lequel elle est restée plutôt discrète, l’équipe de recherche a tenté d’expliquer comment elle avait réussi là où les autres ont jusqu’à présent échoué : reproduire la spermatogénèse humaine intégrale, in vitro. Pour y parvenir, l’équipe a relevé deux “défis” : trouver un système de culture in vitro fiable, ce qu’elle a réussi à faire en 2010 après vingt ans de recherche (!), mais surtout, faire en sorte qu’il fonctionne assez longtemps pour que la spermatogénèse arrive à son terme, soit 72 jours au bout desquels les spermatides rondes se transforment et deviennent allongées, et enfin spermatozoïdes…
C’est là qu’intervient Laurent David, de l’Institut des matériaux polymères : grâce à ses recherches sur les bioréacteurs, il a réussi à mettre au point un “tube d’hydrogel constitué d’eau et de chitosane”, un sucre complexe présent à l’état naturel dans l’endosquelette du calamar ou dans la paroi cellulaire des champignons. Et là… miracle ! En introduisant le tissu testiculaire dans le tube d’hydrogel et en plaçant ce dernier dans le milieu de culture, les chercheurs assistent pour la première fois à une spermatogénèse complète !
La découverte suscite la méfiance chez certains confrères. L’équipe devra convaincre les sceptiques avec des publications et “de vraies preuves scientifiques”. Ce qui fait dire à un financier ayant suivi le dossier : “Ils ont voulu faire le buzz, mais sans l’alimenter de preuves scientifiques”. Ce qui n’a pas empêché Kallistem de remporter le prix spécial du jury Investor Conference lors du dernier forum Biovision.
Le champ des possibles reste ouvert pour la start-up lyonnaise qui vise en priorité un développement thérapeutique pour des patients dont la fertilité est menacée, en l’occurrence des garçons pré-pubères soumis à des chimiothérapies. “A partir d’une biopsie testiculaire, il sera possible d’obtenir des spermatozoïdes qui seront cryo-conservés jusqu’au désir de paternité et alors utilisés en fécondation in vitro avec micro-injection”, illustre Isabelle Cuoc, présidente de Kallistem. Autre piste : la prise en charge des 120 000 hommes adultes souffrant d’infertilité.
La technologie de Kallistem, baptisée Aristem®, a fait l’objet d’un dépôt de brevet. Si jusqu’à présent elle s’est développée sur fonds propres, la start-up créée en 2012, qui emploie six personnes, espère rapidement lever deux millions d’euros afin de passer à des études cliniques d’ici trois à cinq ans. Et cherche des partenaires pour assurer son développement aux Etats-Unis. L’objectif est de commercialiser ses technologies “à un prix accessible”, sous forme de licence auprès des industriels du marché de l’assistance médicale à la procréation, et également auprès de centres de reproduction privés et publics. Une affaire à suivre.
Corinne Delisle
@corinnedelisle
* Unité mixte de recherche associant l’ENS de Lyon, le CNRS, l’Université Claude Bernard Lyon 1 et l’Inra.
Bref Rhône-Alpes n° 2216 du 30/09/2015
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