A l’occasion du Movin’On de Montréal, Michelin a présenté son pneu du futur (lire notre Zoom en bas de page).
La perspective a quelque chose de vertigineux : le nombre de voitures en circulation dans le monde est passé de 800 millions en 2000 à 1,7 milliard aujourd’hui. Et les Nations Unies en prévoient 3 milliards en 2050. Dans ces conditions, le défi écologique de la filière automobile est immense.
A ce propos, chez Michelin, on ne se voile pas la face. Le fabricant de pneumatiques auvergnat travaille sur l’écoconception de ses produits, la réduction de leur résistance au roulement, le rechapage ou encore les biomatériaux.
L’arbre qui pleure
La culture responsable de l’hévéa fait aussi partie des préoccupations de Michelin : l’industrie du pneumatique absorbe les trois quarts de la production mondiale de caoutchouc naturel tandis qu’à lui tout seul, le groupe auvergnat en consomme près de 10 %. Et ce n’est pas demain que le caoutchouc sera remplacé sur les roues des voitures, camions, engins de chantier, motos, vélos ou avions.
Adhérent au Pacte Mondial de l’ONU, Michelin a créé en 2015 une joint-venture (49/51) avec le groupe indonésien Barito Pacific, afin de restaurer des concessions ravagées par la déforestation et des incendies géants. Totalisant 88.000 hectares à Sumatra et Bornéo, les parcelles seront plantées pour moitié en hévéas et en cultures vivrières.
A terme, le projet doit créer 16.000 emplois locaux et produire 80.000 tonnes de caoutchouc naturel grâce à deux usines qui seront construites localement, soit près de 10 % des besoins de Michelin. L’ONG environnementale WWF est associée au projet depuis le début. Les zones déboisées retrouveront, dans quelques années, une couverture forestière qui stabilisera les sols et créera un puits de carbone captant autant de CO2 qu’une forêt naturelle. Cette exploitation devra servir d’exemple à l’échelle mondiale.
Conseiller les planteurs
Lors de la récente assemblée générale des actionnaires à Clermont-Ferrand, Didier Gaidon, directeur des activités élastomères, expliquait : « Notre R&D travaille depuis longtemps sur la sélection des variétés d’hévéas les plus performantes. Nos experts agronomes dispensent des formations aux agriculteurs locaux en techniques d’agriculture, entretien de parcelles, récoltes, amélioration des rendements, etc. » Parallèlement, 180 des 220 usines fournissant Michelin en caoutchouc naturel ont été évaluées par Ecovadis sur leurs bonnes pratiques environnementales et sociales.
En amont, seront aussi évalués les planteurs (généralement de petits exploitants) et les distributeurs. Le travail est énorme : dans le monde, l’équivalent de 500.000 personnes à temps plein récolte du caoutchouc naturel pour Michelin ! Mais le sujet avance : inspiré par son voisin auvergnat Limagrain, qui suit ainsi la performance de ses parcelles de maïs, Michelin a développé, en collaboration avec une ONG américaine, une application mobile pour évaluer les pratiques de ses fournisseurs.
Approche collaborative
Complexe, cette démarche sur l’hévéaculture suscite beaucoup d’intérêt : Michelin a été approché par des industriels, de l’automobile (BMW, Toyota, GM) ou d’autres secteurs (Aigle, L’Oréal), sensibles aux questions d’achats responsables. « Notre rôle de leader est d’entraîner l’industrie. Nous réfléchissons ainsi à la mise en place d’une plateforme multi-acteurs, y compris avec nos concurrents, pour avoir une approche commune sur ce challenge ». Un travail collaboratif pour le bien-être de la planète… le monde bouge.
Zoom
Vision, le pneu-roue révolutionnaire
Le concept-pneu (voir photo) présenté mi-juin par Michelin, intitulé Vision, est révolutionnaire : le pneu est à la fois sans air (à structure alvéolaire, il ne peut ni éclater, ni crever), connecté, imprimé en 3D et rechargeable, sur mesure et bio (matériaux biosourcés et biodégradables). Il est à la fois une roue et un pneu. 19 brevets sont déposés sur ce pneu concept.
Cet article a été publié dans le numéro 2291 de Bref Eco.