L'OVNI du Web, Éric Boisson !
A.R.
« Zol, l’agence digitale réZolument pas pareil » : tout est dit dans le slogan de cette entreprise lyonnaise reprise en 2016 par Éric Boisson, un chef d’entreprise vraiment pas comme les autres. Artisan d’une ambiance détendue pour ses salariés et d’une croissance importante pour son agence, il a choisi de limiter la seconde pour préserver la première !
Après un BTS Action commerciale et de sérieux bagages informatique et artistique, Éric Boisson, touche-à-tout originaire de Dijon, est rapidement entré dans des postes de direction puis dans l’entrepreneuriat. Dès le milieu des années 90, il pilote le lancement de projets emblématiques tels qu’AlloCiné, Houra.fr, Webcity, Numéricable, Le Figaro.fr et Sport24, avant d’étendre son expertise à l’échelle internationale, notamment dans le poker en ligne.
Un chiffre d’affaires décuplé en quelques années
C’est en 2016 qu’il rachète l’agence web lyonnaise Zol pour en faire une agence numérique qui va rapidement se développer. En six ans, le nombre de salariés passe de 9 à 58 et le chiffre d’affaires de 500 000 à 5,3 millions d’euros ! « La croissance a surtout été très intense sur les deux derniers bilans dans un marché complexe où il y a beaucoup d’acquisitions, de faillites, de freelance en difficulté … », analyse Éric Boisson. « La transformation du marché s’est accélérée il y a deux ans. Pendant le Covid, de nombreux petits acteurs ont fait des sites rapidement puis la demande s’est tassée tout en devenant plus exigeante pour des projets plus ambitieux », décrit encore le chef d’entreprise de 52 ans qui propose quant à lui des projets codés entièrement par ses équipes. « Nous n’avons jamais prospecté et pourtant nous n’avons jamais eu autant de demandes entrantes depuis deux ans », se félicite-t-il. Ce succès, il le met sur le compte de l’expertise de son agence pour les chantiers sur mesure et pour le conseil apporté en amont dans l’identification des problématiques. Il revendique un taux de fidélisation de 80 % et de très beaux contrats, notamment avec les lyonnais Point S, RAS Intérim, Vinci Immobilier ou Foot Mercato. Mais il l’attribue aussi à la dimension humaine de son entreprise, qui séduit ses clients. « À partir du moment où j’ai repris Zol, j’en ai fait l’entreprise dont je rêvais, avec une forte appétence pour l’humain. Et pour maintenir cette dimension, je pense qu’il ne faut pas dépasser une certaine taille, à laquelle nous sommes maintenant parvenus. »
Reste à savoir, concrètement, ce que ce côté humain signifie. Premièrement, il n’y a pas de process de recrutement. « C’est une rencontre,fait valoir Éric Boisson. On ne prend pas de " posture professionnelle ", on vient comme on est car je suis là pour constituer un groupe basé sur " être ensemble " et je dois dire que je me suis rarement trompé. »
Zol est un gros collectif de personnes empathiques, gentilles et sensibles
C’est ensuite une attention, une organisation horizontale où tout le monde peut parler de tout et une absence d’horaires fixes (il faut faire ses 7 h par jour). « Au final, Zol est un collectif de personnes empathiques, gentilles et sensibles. D’ailleurs, les gens parlent ici de leur " famille professionnelle ". J’ai fait auditer l’entreprise trois fois en deux ans. Les auditeurs du cabinet ont expliqué avoir découvert ce fameux " être ensemble " comme ils ne l’avaient jamais vu. Ça fait plaisir car c’est vraiment ma quête ! Un autre cabinet m’a dit que j’avais une marque employeur incroyable mais que je n’en étais pas conscient ».
Donner une importance sincère aux gens
En somme, les relations passent par la convivialité et l’authenticité. « C’est énergivore car je suis toujours auprès de tout le monde, on parle tout le temps. Mais c’est important car plus on accorde de l’importance sincère aux gens et plus ils s’intéressent aux autres et à leur travail, c’est un cercle vertueux ».
Mais peut-on imaginer une famille professionnelle sans craindre de débordements ? Presque, semble-t-il. « Il y a d’abord un attachement à l’entreprise donc à être efficace, justifie Éric Boisson. Mais il faut tout de même trouver un juste milieu entre les droits et les devoirs. Les débordements sont finalement rares ». Le seul faux pas date de 2022 quand Éric Boisson a voulu un peu plus hiérarchiser l’équipe en recrutant un « bras droit » qui s’est révélé toxique, entraînant des démissions et mettant en péril le bel équilibre.
Le bonheur salarial serait donc issu de cette recette mêlant confiance, bienveillance et bonne humeur. Sans autre ingrédient majeur. Pas de semaine de 4 jours ou de vacances supplémentaires chez Zol, hormis le fameux Zoliday, jour de fête et de barbecue. « Mais il y a beaucoup d’événements et de moments festifs. Il m’est arrivé sur un coup de tête, de lancer un concours de ventriglisse dans l’agence ! Il y avait de l’eau partout ! », rigole encore ce chien fou de l’entrepreneuriat !
Même pas peur !
Et donc, pour conserver cette folie et cette joie de vivre, Éric Boisson estime que l’effectif ne peut plus grandir. Il en tire une conclusion logique : il ne faut pas prendre plus de contrats. Concrètement, il faut refuser les demandes ! « J’ai commencé en juin 2022 en refusant des contrats à 500 000 ou 1 million d’euros ». Une folie ? En réalité, avec 80 % de clients fidèles et des demandes entrantes permanentes, le patron de Zol ne craint pas d’aller trop loin. Il a recommencé un an plus tard à accepter de nouveaux projets pour 2024. Bilan : pas de surchauffe, davantage de sérénité et pas de turn-over, même avec une moyenne d’âge de 30 ans e des profils régulièrement chassés « pour des salaires mirobolants » !
Pas tendre avec le modèle américain !
Son expérience et ses relations permettent à Éric Boisson d’avoir un avis tranché sur le management et la RSE outre-Atlantique et l’on se doute que ce n’est pas sa tasse de thé. « Aux États-Unis, on parle des salariés seulement comme de lignes budgétaires, expliquant simplement que les gens sont payés à travailler et que l’on ne leur doit rien d’autre. Les Américains ont bien compris le marketing ESG mais dans la réalité, c’est une véritable catastrophe. Les salariés sont des marionnettes, on peut les virer par textos, même à des postes importants », regrette Éric Boisson. « Mais, tempère-t-il, même en France, on voit des dirigeants incroyables qui n’accordent aucune valeur aux relations humaines. »
Cet article est issu de notre hors-série « Les Champions de la RSE » tome 5, à retrouver ici.