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Lundi 13 Mai 2024

Edition déléguée AVEC Connect'iae lyon magazine

1083 : 10 ans de relocalisation pour un jean 100 % français

Thomas Huriez

Thomas Huriez

Thomas Huriez s’est attaqué à un basique de la mode pour recréer une filière de production en France : le jean. Pas à pas, il a d’abord décortiqué le modèle marketing et de distribution du produit textile le plus vendu au monde, pour repenser une filière éthique basée sur la production locale.

 

Parce qu’il s’ennuyait dans son job de responsable SI, Thomas Huriez a quitté Grenoble pour s’installer à Romans-sur-Isère, dans la maison de ses grands-parents, face à Marques Avenue… « Je me suis alors dit que j’allais vendre des vêtements éthiques. En 2007, le Made in France et la notion d’impact environnemental étaient à leurs balbutiements, se souvient-il. Fondamentalement, l’homme est plutôt bon, à condition qu’il soit en responsabilité, face à des choix vertueux et conscients. Les vêtements écolos sont très éthiques mais surtout très ethniques et pas mal baba cool. Il y avait un décalage entre l’universalité des valeurs que je défendais et les produits que j’ai vendus entre 2007 et 2013. »

80 % du denim tissé en interne

Alors il se penche sur les modèles de la mode, de la fast fashion et s’attèle à déconstruire les schémas. « Un jean de marque à 130 euros et un jean fast fashion à 30 euros sont fabriqués dans les mêmes pays, le Vietnam, le Bangladesh, la Turquie, au même prix de revient, une dizaine d’euros. La différence repose sur les modèles de distribution et l’image de marque. Appliquons le circuit court pour fabriquer un jean à 40 euros et le vendre à 130 euros. ». Et c’est là que l’aventure commence. Thomas Huriez trouve « des bribes de compétences pour reformer collectivement une filière » de fabrication de jeans. Il veut que ses produits estampillés 1083 soient tissés, teintés, filés et confectionnés en France. « Là où vraiment, il n’y a pas encore la technologie, on se tourne vers l’Italie. »

Pour remettre l’ouvrage sur le métier, il lance une campagne de financement participatif en 2013 pour préfinancer 100 jeans. « Nous en fabriquerons 1 000. »

Deux ateliers de confection sont créés. 1083 tisse désormais 80 % de son denim et confie les 20 % restants à des partenaires externes. Dix ans après ce démarrage industriel, l’entreprise drômoise a contribué à reconstruire l’ensemble d’une filière textile qui ne demande qu’à être développée. Une école de couture de jeans est créée à Romans-sur-Isère en 2018 et un atelier de confection dans les Vosges en 2023.

Être concurrentiel

« Tout l’enjeu désormais est de déployer des capacités de confection qui servent certes 1083 mais aussi d’autres marques françaises. » Les ateliers 1083 confectionnent d’ailleurs en marque blanche pour d’autres. L’entreprise noue des partenariats avec des marques et fabricants français dans sa même mouvance : Blanc des Vosges pour les jeans blancs, Max Vincent pour les sandales, Saint James pour les pulls, La gentle factory pour les sweats en coton bio… « L’objectif de ces partenariats est aussi d’être davantage concurrentiel que les autres marques qui fabriquent au bout du monde. »

Il milite pour que d’autres entreprises produisent en France. « Si seulement 0,1 % des 67 millions de jeans vendus en France y étaient aussi produits, ce serait des dizaines de milliers d’emplois créés… »

1083... km

Le nom de l’entreprise drômoise vient de la distance qui sépare les deux villes françaises les plus éloignées l’une de l’autre : Menton et Porspoder. Cette distance illustre aussi l’éthique de la marque de jean : le produit doit être fabriqué en France et de façon écoconçue.

 

Cet article a été publié dans le magazine Connect'iaelyon, rubrique Dossier | Think Tank.

1083 en chiffres :

- 50 000 jeans 1083 vendus en France, soit la moitié du marché de jeans fabriqués en France chaque année ;

- 50 % des ventes par internet et 50 % via 5 boutiques (Romans-sur-Isère, Lyon, Grenoble, Paris et Nantes) et 130 revendeurs multimarques ;

- 12 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022 ;

- 3 à 4 % de rentabilité depuis 10 ans ;

- 105 salariés, dont 60 % en production ;

- 150 emplois indirects supplémentaires alimentés par ses partenariats.

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