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Vendredi 10 Mai 2024

Edition déléguée AVEC Connect'iae lyon

Un Collectif de Solidarité Étudiante né pour durer

Restauration solidaire

Restauration solidaire

Créée dès mars 2020, l’association Collectif de Solidarité Étudiante reste très active. Elle a mis en évidence une vie étudiante que beaucoup n’imaginaient pas.

« Dès la décision du premier confinement, j’ai compris que la situation de nombreux étudiants allait être difficile. En particulier ceux qui allaient perdre le job qui leur permettait de vivre : baby-sitting, restauration rapide, etc. Il faut rappeler qu’en temps normal, 46 % des étudiants travaillent pour financer leurs études et 20 % sont en-dessous du seuil de pauvreté », raconte Catherine Fillon, professeure d’Histoire du Droit à l’Université Lyon 3. Son inquiétude sera vite confirmée car à cette précarité structurelle va s’ajouter la peur du Covid et la violence du confinement.

Urgence

La réaction de Catherine Fillon et de quelques autres a relevé de l’impulsion. Il était urgent de collecter de l’argent pour livrer de la nourriture à des jeunes cloîtrés dans leur chambre universitaire, effrayés par le virus et totalement isolés. Des actions de communication à l’Université, quelques émissions de radio, un plateau télé : les appels aux dons ont été efficaces. En trois mois, la jeune association a récolté pas moins de 68 000 euros auprès des particuliers ! De quoi acheter et distribuer à domicile les produits alimentaires et d’hygiène de première nécessité, avant d’ouvrir une épicerie temporaire, Halle du Faubourg. Le choc fut violent pour l’enseignante qui avoue avoir peu dormi durant plusieurs semaines : « Parmi les étudiants qui venaient nous voir, certains suivaient mes cours en amphi ! Le drame était là, devant moi, concret. »

Et puis l’été 2020 est passé, avec l’espoir de retrouver une situation normale. Mais patatras ! Il a fallu relancer « la machine » à l’automne. La deuxième campagne de dons a rapporté 150 000 euros avec, cette fois, une présence plus marquée des entreprises. Un local pour une nouvelle épicerie temporaire a été trouvé grâce à l’association L’Entreprise des Possibles. Catherine Fillon estime que depuis le premier confinement, près de 2 000 étudiants ont ainsi été aidés.

Parrainage

La solitude des étudiants, plus particulièrement des étrangers, s’est fait sentir dès les premières semaines, avec des jeunes séparés de leur famille et sans vrai contact social. « On peut vraiment parler de détresse », poursuit Catherine Fillon qui a lancé une autre initiative : le parrainage. « Nos contacts avec les étudiants isolés nous ont convaincus qu’un référent adulte pouvait beaucoup les aider psychologiquement. » L’idée, largement relayée sur les réseaux sociaux, a rapidement abouti à des propositions de la part de familles. La règle proposée : que les parrains accueillent un étudiant une fois par quinzaine autour d’un repas partagé, et qu’ils puissent prodiguer quelques conseils et aides en cas de nécessité.

L’élan de solidarité a dépassé les attentes, avec 300 étudiants étrangers parrainés. Et des histoires très fortes se sont écrites. « Dans certains cas, la relation finit par ressembler à une sorte d’adoption, une deuxième famille ! Elle débouche sur des relations humaines très chaleureuses et fortes. C’est très touchant. »

Et après ?

Un soutien a aussi été proposé par des psychologues professionnels à la retraite, volontaires pour donner un peu de leur temps. Puis une recyclerie, proposant des vêtements, de la vaisselle ou du linge de maison, a été mise en place.

En ce début d’été 2021, la tension est quelque peu retombée. Certains étudiants ont retrouvé du travail. « Mais nous allons faire en sorte de durer le plus longtemps possible », explique Catherine Fillon. Une chose est sûre : les membres du collectif ont pris conscience de la précarité étudiante. « Ils travaillent beaucoup, je les trouve extrêmement courageux. Car il faut reconnaître que lorsqu’un « petit » job vous occupe 20 heures par semaine, il est très difficile de suivre un cursus. »

 

Dans l'action !

Dans le cadre de leur 1ère année de Licence, les étudiants de l’iaelyon sont tenus de réaliser une action de solidarité d’une durée d’au moins 35 heures : c’est le BMA, comme Bénévolat et Management en Association. Une immersion dans le monde associatif pour mieux le comprendre et mobiliser son empathie face à des situations inhabituelles.

Inscrite en MSH (Management et Sciences Humaines), Albane Vignon a vécu ces moments de partage au sein du Collectif de Solidarité Etudiante. « Notre rôle était de distribuer des provisions alimentaires et des produits d’hygiène à des étudiants dans le besoin. Nous avons aussi été amenés à contacter les entreprises et magasins donateurs mais aussi à téléphoner à certains étudiants afin de prévenir les situations d’extrême solitude. » Des discussions brèves avec les moins déstabilisés, plus longues avec les plus fragilisés.

Groupe SFC : rompre la solitude des étudiants

La prise de conscience est venue progressivement, au fil des informations diffusées dans la presse et des commentaires entendus de la bouche de collègues qui sont aussi parents d’étudiants. Et comme le groupe SFC connait bien le monde universitaire et l’iaelyon, pour accueillir régulièrement des stagiaires et alternants, « nous avons proposé d’ouvrir une grande salle de réunion, équipée d’une machine à café, d’un photocopieur/imprimante et d’internet, à des étudiants isolés. L’accès était libre », explique Aurélie Métal, directrice des ressources humaines.

Puis est venue l’idée de lancer un appel à dons auprès des équipes disséminées dans les 24 agences françaises du groupe. « Toutes ont répondu présentes, les collaborateurs ont pris cela très au sérieux. Ils ont envoyé des sacs remplis de victuailles et de produits d’hygiène, que nous avons confiés à l’iaelyon. »

Chez SFC, la question de la solidarité est désormais posée de façon permanente. « Aujourd’hui, nous nous interrogeons : il y a en permanence d’autres gens dans le besoin. Pourquoi ne pas les aider, eux-aussi ? »

Des tagliatelles du cœur

Amoureuse de l’Italie et passionnée de gastronomie et d’oenologie, Stéphanie Plaza préside l’association La Bonne Europe qui repose sur un réseau au sein duquel on retrouve plusieurs chefs étoilés. Lorsqu’elle entend parler des difficultés des étudiants, elle ne met pas longtemps pour trouver une idée : elle lance l’opération Tagliatelle del cuore.

« La détresse des étudiants m’a touchée. Et je me disais que manger des biscuits premiers prix tous les jours n’est pas une solution. Avec de la farine bio, de l’huile d’olive et des oeufs, ce n’est pas difficile de faire de bonnes tagliatelles, de bien manger. Alors, je suis allée voir mon réseau de chefs restaurateurs et je les ai convaincus. » Résultat : 100 kilos de tagliatelles fraîches dans des boîtes adaptées, proposées avec une bonne sauce tomate artisanale, ont été cuisinées spécialement puis distribuées à des étudiants dans la nécessité.

« Nous étions une dizaine de personnes aux fourneaux et nous avons invité de jeunes apprentis sans emploi à nous rejoindre », se souvient Stéphanie Plaza.

Tagliatelle del cuore débouchera, dans quelques mois, sur l’organisation d’ateliers de cuisine dans les cités universitaires. « La pandémie cessera un jour. Mais il faut toujours sensibiliser la jeunesse à la bonne nourriture, au bien manger. »

 

Cet article a été publié dans le magazine Connect'iaelyon, rubrique Dossier | Think Tank.

 

Restauration solidaire

Lise Deboudard est étudiante en Master Management de centres de profit en activités d’hôtellerie-restauration et de loisirs. Elle suit une alternance, depuis février 2021, au sein de la Maison Barbet, qui détient plusieurs restaurants dans le sud-ouest de Lyon. C’est en échangeant avec Claude Barbet, son tuteur, qu’elle a pu le convaincre de l’urgence de la situation. « J’avais déjà vécu, personnellement, un premier confinement difficile. Avec deux mois de chômage partiel pendant lesquels je tournais en rond dans ma chambre. On peut même dire que j’ai décroché... comme d’autres. »

Un système vertueux

L’histoire de Lise résonne dans l’esprit de Claude Barbet. À l’époque, son restaurant est fermé, comme les autres, et ne survit que grâce aux ventes à emporter. Il ne peut donc plus compter sur les nombreuses entreprises du voisinage qui remplissaient ses salles jusqu’alors. Qu’à cela ne tienne : il va mettre en place, avec quelques-unes d’entre elles, un système vertueux. Lise Deboudard explique : « Dix entreprises ont été réunies avec une ligne de conduite claire : elles apportaient un don financier auprès de la Maison Barbet qui se chargeait de préparer des repas à distribuer gracieusement aux étudiants. »

Pendant neuf semaines, entre début mars et fin mai, ce sont 26 400 euros qui sont rassemblés et 1 800 repas qui sont livrés et distribués dans une autre salle de restauration inutilisée pour cause de Covid : celle de l’hôtel Ibis Gare Part-Dieu, proche des logements étudiants. Cela a pu se faire grâce à la mise en place d’une communication massive auprès des universités et écoles, ainsi que d’une logistique ad’hoc pour les réservations et livraisons.

En juin, l’activité des restaurants de la Maison Barbet a repris. Mais l’histoire n’est peut-être pas finie, avec, d’ici l’automne, une soirée qui pourrait rassembler les entreprises et les étudiants qui se sont rencontrés au printemps.

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